Galerie C
Neuchâtel
Paris
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Soleils sensibles 25.05-25.06.22

Marie Ouazzani & Nicolas Carrier

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Soleils Sensibles - par Liberty Adrien

L'art de la flânerie est associé à la ville de Paris depuis des siècles. Bien que sa signification ait varié au fil du temps, il a toujours été lié à l'idée de déambuler le long des boulevards dans un désir de vivre la modernité, la vie industrialisée et urbaine. Observateur attentif du paysage urbain, le flâneur prend le temps de remarquer ses moindres détails et de s'interroger sur ses curiosités. Il est intéressant de noter que cette pratique peut être liée à une science beaucoup plus ancienne, dont l'œuvre la plus importante a survécu de l'Empire romain à l'histoire moderne : l'Historia naturalis (Histoire naturelle) de Pline l'Ancien. Dans cette encyclopédie, l'auteur a consigné un nombre infini de détails incroyables sur son époque, de la vie à la science, en passant par les arts, les artefacts et au-delà. L’influence de la curiosité intellectuelle de Pline l'Ancien et de la fascination des flâneurs pour l'espace urbain se retrouvent dans les œuvres de Marie Ouazzani & Nicolas Carrier. On imagine aisément le duo artistique en explorateurs urbains du Grand Paris, arpentant les avenues cherchant à comprendre les strates qui les composent, tout en captant les traces du déclin de l'architecture moderne des années 1970 et des cités radieuses. Si nous devions entreprendre une exploration approfondie de l'Île-de-France, quels détails figureraient dans le livre d'histoire naturelle de notre millénaire ? Quelle végétation remplirait les pages de l'herbier du Paris du XXIe siècle ?

Dans la première exposition Soleils sensibles de Ouazzani Carrier à la Galerie C, trois œuvres entrent en dialogue : une série de photographies, une vidéo et une installation d’infusion. Présentée en diptyque, la série de films instantanés Cité palmiers apparaît comme une cartographie visuelle de palmiers placés devant des immeubles et disséminés dans la ville de Paris. Cette série interroge les raisons de l'importation de l'exotisme, celle d'une possible volonté de nous faire rêver d'un monde éloigné de notre quotidien, d'afficher certains signes de richesse ou ceux hérités de notre passé colonial. Dans ces œuvres, Ouazzani Carrier se sont emparés du médium de la photographie dans toute sa finesse. Le matériau, ces petites images instantanées, et l'objet photographié, ces palmiers solitaires déplacés de leur environnement naturel et transplantés dans la ville, partagent une certaine fragilité. Saviez-vous qu’un film instantané capte le temps qu'il fait au moment où l'image est prise ? Ces variations saisonnières apparaissent dans les photographies du duo, où les ciels sont rendus avec une teinte rosée lorsqu'elles ont été prises en été ou une teinte bleutée en hiver. Les images instantanées finissent aussi par disparaître, victimes du temps qui passe et des procédés chimiques qui ne peuvent les conserver indéfiniment. Cette fragilité de la matière, du corps humain et végétal trouve un fort écho dans la seconde œuvre de l'exposition. Dans la vidéo Maisons avocats (11:41 min), un homme fait pousser des avocatiers dans un appartement sombre. Situé dans un temps apparemment futur, le film montre le protagoniste prenant soin de ses pousses et les plantant dans un environnement rempli de voitures sous la chaleur d'un soleil étouffant. Le vocabulaire botanique et la poésie des mots - au cœur de nombreuses œuvres du duo - révèlent lentement l'importance de cette rencontre. Alors que son corps s'occupe de la plante, la plante l’aide à survivre.

Réunis autour de deux infusions d’intensité différentes d'une plante à fleurs jaunes appelée Souci, servis dans deux thermos en inox qui semblent tout droit sortis d'une réunion de bureau installés sur des constructions en parpaings et en dalles de pierre, les spectateurs se rencontrent et échangent. Cette troisième œuvre participative Grands soucis puise une nouvelle fois dans le vocabulaire de la forme et des objets de notre quotidien et pourrait être un clin d’œil au monde de la surproductivité. Le temps est venu de faire une pause et d’observer de manière critique la réalité de l’environnement qui nous entoure. Les œuvres de Ouazzani Carrier sont autant de reportages modernes qui questionnent notre rapport à la nature, au paysage et à la vie urbaine ainsi qu’à la pensée écologique contemporaine.

Liberty Adrien

Vernissage de l'exposition Soleils sensibles : mercredi 25 mai 2022, 17h00 - 21h00

Téléchargez le dossier de l’exposition : ici

Avec le soutien aux galeries/exposition du CNAP - Centre National des Arts Plastiques

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Soleils sensibles - text by Liberty Adrien

The art of flânerie has been associated to the city of Paris for centuries. Although its meaning has varied over time, it has always been connected to the idea of strolling the boulevards in a desire to experience modernity, industrialized and urban life. As a keen observer of the cityscape, the flaneur takes the time to notice its smallest details and to wonder about its curiosities. Interestingly, this practice can be linked to a much older science, one whose most important works has survived from the Roman Empire to modern history: the Historia naturalis (Natural History) by Pliny the Elder. In this encyclopedia, the author has recorded an endless number of incredible details about his time, from life to science, arts, artifacts and beyond. The influence of the intellectual curiosity of Pliny the Elder and the fascination of the flâneurs for the urban space can both be found in the work of Marie Ouazzani & Nicolas Carrier. One can easily picture the artistic duo as urban explorers of the Grand Paris, strolling the avenues seeking to understand the layers that make it up, while capturing the traces of the decline of the 1970s modern architecture and radiant cities. If we were to undertake an intensive exploration of the Île-de-France, what details would be included in our millennium’s natural history book? What vegetation would fill the pages of the herbarium of 21st century Paris?

In Ouazzani Carrier’s first exhibition Soleils sensibles at Galerie C, three bodies of work enter into dialogue: a series of photographs, a video, and an installation of infusion. Presented in diptychs, the series of instant films Cité palmiers appears as a visual cartography of palm trees placed in front of buildings and scattered throughout the city of Paris. The work questions the reasons for the importation of exoticism, that of a desire to make us dream of a world far from our daily lives, to display certain signs of wealth or those inherited from our colonial past. In this series, Ouazzani Carrier have grasped the medium of photography in all its finesse. The material, these small instant films images and the object photographed, these solitary palm trees displaced from their natural environment and transplanted into the city, share a certain fragility. Were you aware that an instant film captures the weather at the time the image is taken? These seasonal variations appear in the duo's photography, where skies are rendered with a pinkish tinge when taken in summer and bluish hue in winter. Moreover, the images captured by an instant camera will eventually disappear – a casualty of the passage of time and the chemical processes that cannot preserve them indefinitely. The fragility of matter, of the human and vegetal body find a strong echo in the second piece of the exhibition. In the video Maisons avocats (11:41 min), a man grows avocado trees in a darkened house. Set in a seemingly future time, the film shows the protagonist taking care of his sprouts and planting them in an environment full of passing cars while being under the heat of the stifling sun. The botanical vocabulary and the poetry of words – at the heart of many of the duo’s works – slowly reveal the importance of this encounter. While his body is taking care of the plant, the plant helps him to survive.

Gathering around two infusions of different intensities of a yellow blooming plant called Calendula – or Souci in French, which means worry served in two stainless steel thermos that seems to come straight out of an office meeting that are installed on constructions of breeze blocks and stone slabs, the audience mingles and exchanges. This latest participatory work Grands soucisdraws once again on the vocabulary of the form and objects of our daily lives and could be a wink to the world of overproductivity. Now is the time to take a break and critically observe the reality of the environment that surrounds us. Ouazzani Carrier’s works are modern-day reportages that question our relationship to nature, landscape and urban life as well as current ecological thinking.

Liberty Adrien

Opening of the exhibition Soleils sensibles : Wednesday May 25, 5:00pm - 9:00pm

Download the exhibition press release : here

With the support of CNAP - Centre National des Arts Plastiques, France (National Center for Visual Arts)

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