Galerie C
Neuchâtel
Paris
Éric Poitevin, %22Sans Titre%22, tirage couleur type RA4, 56x70 cm, 2010. copie.jpg

TOT 15.04-29.05.21

Murielle Belin, Philippe Cognée, Roberto Donetta, Marlene Dumas, Albrecht Dürer, Valérie Favre, Matthieu Gafsou, Christian Gonzenbach, Ferdinand Hodler, Benoit Huot, Emma Lucy Linford, Zoran Mušič, Armand Niquille, Guy Oberson, Éric Poitevin, Cyril Porchet, Virginie Rebetez, Lionel Sabatté, Maude Schneider

Alors que l’Évangile dit: « Soyons frères et nous serons sauvés », je dis: « Soyons frères et soeurs parce que nous sommes perdu·e·s.» Sans vouloir imposer cet évangile de la perdition, je crois que la conscience humaine doit intégrer cette incertitude, cette angoisse et cette présence de la mort. Et, pour surmonter l’angoisse, rien d’autre que la participation, la communion, l’amour. La seule façon de supporter ce néant qui nous entoure, c’est de vivre poétiquement, amoureusement, notre condition. L’amour, que le cantique des cantiques dit « fort comme la mort », est du moins son unique antidote. Edgar Morin

Évoquer la mort - savoir que l’on ne sait rien. Penser en vacillant, se laisser envahir par l’ignorance et tenter de réaménager la présence de la mort, cette absence-présence. Et toi, que fais-tu de tes mort·e·s ?(1) Comment parles-tu à la mort ? Qu’est-ce qui t’aide à vivre avec l’absence du vivant que tu aimais ? (2)

Réinventons collectivement la grammaire funéraire, faisons l’expérience de la langue mortuaire devenue quelque peu étrangère. Nous convions les artistes à cet exercice fascinant qu’est la mise à nu face à la finitude. Finitude impensable qui convoque: la mort siège, soudain, là, sans prévenir. La mort est animante en ce qu’elle institue chez celleux qui demeurent la responsabilité d’un accomplissement. Qu’est ce qui rend un·e mort·e capable de tenir ? À quoi un·e mort·e tient-iel ? De quoi ont-iels besoin ? Que demandent-iels ? (3)

La dialectique de la vie et de la mort est irrévocable. Les cellules qui nous constituent se suicident pour laisser place à d’autres cellules, la vie comme un processus de régénération: « On reconstitue les molécules qui se dégradent, les cellules se multiplient pour remplacer celles qui meurent, et de cette façon-là, la vie continue. Un organisme ne peut donc vivre - c’est-à-dire se maintenir dans un état de régénération - que si les cellules meurent. C’est dans cette optique qu’il faut entendre la parole d’Héraclite « mourir de vie ».

Ainsi si tout moment de vie est un moment de mort (puisque à chaque moment l’organisme vivant vit de la mort de ses composants (molécules et cellules) (4), comment cela se fait-il que nous peinions à parler à la mort ? Les mots, les attitudes nous manquent pour l’apprivoiser, désormais, les gens ne meurent plus ; ils disparaissent.(5)

Rien ne réfute le caractère éphémère de la vie, intervalle plus ou moins court entre une naissance et une mort. Est-ce le déni de la finitude qui constitue le moteur de toutes les entreprises humaines ? (6)

L’exposition TOT est une possibilité de séjourner, quelques temps, dans les différents espaces de la mort.

Par les oeuvres puissantes des artistes et au travers d’une sélection de textes, lus par la comédienne Claire Deutsch, nous vous invitons à une tentative: pallier notre dépossession de la mort. Douce, cruelle, violente, désirée, collective, banale, ensauvagée, interdite, aseptisée.

Soyons Perséphone enlevée par Hadès, laissons-nous aller à ce que nous ne parvenons pas à nous représenter.

Nous tenons à remercier les collections privées et publiques pour leurs prêts, dont les Archives Jura Brüschweiler, la Fondazione Archivio Fotografico Roberto Donetta, le Musée d'art et d'histoire de Neuchâtel et le Musée d’Ethnographie de Neuchâtel.

Jeudi 15.04.21, 13h-19h - Ouverture de l’exposition

Mercredi 28.04.21, 18h - Visite guidée de l'exposition en collaboration avec la Société des Amis des Arts.
SUR INSCRIPTION: info@galeriec.ch

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1 Marielle Macé, Nos cabanes #4 « Et toi, que fais-tu de tes morts ?,conférence, mercredi 17.04.19, Maison de la Poésie de Paris. Disponible: ici
2 Laurence Vielle, Ancêtres. Disponible:ici
3 Vinciane Despret, Au bohneur des morts, éditions La Découverte, Paris: 2017, pp.19-20
4 Edgar Morin, «La dialectique de la vie et de la mort», in: La mort et l’immortalité. Encyclopédie des savoirs et des croyances, Paris: Bayard, 2004, pp.43-44.
5 Damien Le Guay, « Représentation actuelle de la mort dans nos sociétés: les différents moyens de l’occulter » in: Études sur la mort, 2008/2 (n° 134), p. 116. Disponible:ici
6 Françoise Dastur, « La finitude impensable », in: La mort et l’immortalité. Encyclopédie des savoirs et des croyances, Paris: Bayard, 2004, p.913.