Galerie C
Neuchâtel
Paris
Portrait-Paysage©YBenabderrahmane_2008.jpg

De quelle épaisseur sont faits nos silences ? 08.09-22.10.22

Yasmina Benabderrahmane, Henry Glavin, Emma Lucy Linford, Guy Oberson

On dit faire silence. Un silence épais, rude, infini, libérateur, mensonger, vif, joyeux.
On dit renouer avec nos silences. Ceux que la nuit ne revêt pas, qu’elle n’enveloppe pas.
On dit redonner une texture aux silences de nos vies diurnes.
On dit souvent, trop souvent, que le silence s’oppose au bruit.

Ici, dans le soubresaut du travail des artistes, on ne dit rien. On a pensé que le silence pouvait être un état. On s’est demandé où se trouvait le coeur des silences. Au pluriel. Jamais le même, il se pare de gammes chaque fois différentes, il compose et s’entrelace, il appelle le langage. Comme un lieu d’où naissent les questions.
Au regard du travail de Yasmina Benabderrahmane, Henry Glavin, Emma Lucy Linford et Guy Oberson, on a laissé la chance aux silences de donner une autre tonalité à notre expérience sensible.
On ne sait pas où l’on va arriver. Le silence comme une disjonction qui ne fait pas que fermer, mais qui se révèle une incroyable ouverture sur ce qui pourrait être dit.

L’on procède de l’effeuillage de l’image comme celui d’un corps dans les films de Yasmina Benabderrahmane. La pellicule, épiderme fantastique et vivant, se pare d’un velouté qui relève de la chair. La Renardière, Portrait-paysage et Le Bouquet sont 3 portraits de femmes: ses deux grands-mères nous sont dévoilées avec un érotisme pudique et franc. Entre-couche où se meut le silence: divagation entre le fragment et ses possibles assemblages. Chez Yasmina Benabderrahmane l’image disséquée et morcelée dévoile, au profit du récit sensible.

On se jette dans l’attente d’une forme qui toujours se dérobe. L’espace est un son inaudible, disait Etel Adnan. C’est d’une similitude que tient le travail d’Emma Lucy Linford: ce ne sont pas les mailles qui déploient la surface, mais c’est la forme du vide intérieur, de la transparence de son contenu.
Étrangère au néant, la matière jaillit et s’élabore: nécessiteuse de l’(in)forme, elle est énergie du désir de voir apparaître ce qui n’est que suggéré, toujours.

Il y a au cours de notre existence des êtres qui se cognent à nous, et nous escortent.
Avec After X, Guy Oberson déploie le miroir des présences qui le constituent. Élaborant une bibliothèque d’images iconiques, il peuple sa solitaire errance de camaraderie: la parade est vouée à sentir l’image plutôt que la comprendre. Saisie d’une épaisseur nouvelle, l’image murmure les silences d’un compagnonnage: je ne suis rien, pourrait dire l’artiste, mais j’ai en moi tous les rêves du monde.

Les espaces d’Henry Glavin sont touchés par une osmose entre l’espace intime et l’espace indéterminé. Les murs condensent des désirs, les objets témoignent d’une présence humaine hors-de-vue et le silence n’est qu’apparence. L’itinéraire du regard du peintre s’achève dans l’illusion d’un ordre statique. Il établit la cartographie d’un historique personnel: maniant la dualité (passé-présent, présence-absence, réalité-illusion, etc.) il crée une passerelle entre l’intime et l’universel. L’espace, l’habitation, le paysage est cellule et il est monde.

Faire vivre nos silences. Donner l’envie au mots d’arriver encore, même si on les a tous déjà utilisés. Faire régner un silence de vivant. C’est une invitation, au seuil du travail de Yasmina Benabderrahmane, Henry Glavin, Emma Lucy Linford et Guy Oberson.

On dit faire silence.
Mais ça ne veut pas dire que l’on se tait.

Jeudi 08.09.22, de 18h à 20h - Vernissage
Mercredi 21.09.22, 18h
- Visite guidée de l'exposition en partenariat avec la Société des Amis des Arts

Téléchargez le dossier des artistes: ici

Références:
1 Etel Adnan, Saisons
2 Emma Lucy Linford à propos de son travail
3 Simonetta Greggio, Elsa mon amour, p.245
4 Fernando Pessoa (Álvaro de Campos), Bureau de tabac
5 Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, p.314
6 Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, p.109